LE VOYAGE DE MONSIEUR PERRICHON

d’ EUGENE LABICHE

UNE MISE EN SCENE DE FREDERIQUE LAZARINI

Avec Cédric Colas, Emmanuelle Galabru, Hugo Givort, Arthur Guézennec, Messaline Paillet et Guillaume Veyre.

scénographie François Cabanat – costumes Dominique Bourde
lumières Xavier Lazarini – musique et son François Peyrony
effets vidéo Hugo Givortassistante à la mise en scène Lydia Nicaud

 
au théâtre ARTISTIC ATHEVAINS (PARIS 11ème)

JUSQU’AU 30 AVRIL 2025.

mardi 20h (19h à partir du 4 mars), mercredi 17h, jeudi 19h,

vendredi 20h30, samedi 17h et 20h30, dimanche 15h.

 

Un riche commerçant, M. Perrichon, sa femme et leur fille Henriette partent pour la première fois en train vers Chamonix, suivis – quel heureux hasard – par deux jeunes gens, Daniel et Armand, tous deux intéressés par la main de la demoiselle. Commence alors, entre les deux hommes, une lutte aussi bienveillante qu’acharnée pour séduire le père dont la vanité et l’ingratitude si comiques seront mises à l’épreuve du voyage.

Dans ce vaudeville, singulier dans son oeuvre, Eugène Labiche va arracher cette petite société bourgeoise à ses salons cossus et la lancer, enorgueillie par l’aventure, dans une course effrénée sur la route (ferrée) de la Mer de glace. Mais à mesure que le périple se dessine, entre vertige, fièvre et périls, sa vulnérabilité grandit et l’intranquilité s’installe. Rien n’échappera plus alors à l’oeil acéré du dramaturge et sa plume malicieuse croquera sans pitié les gesticulations et les travers, tout exacerbés par l’inconfort.

Cette étrange compagnie, aussi vaniteuse qu’attachante, piquée par une soudaine folie du grandiose, cheminera inexorablement vers le châtiment : faire rire d’eux.

Si Labiche s’amuse à écorner la mythologie entourant le voyage, Frédérique Lazarini convoque dans ce théâtre placé sous le signe du burlesque, de la fantaisie et de la poésie, toute une mémoire du XIXème siècle : l’exploration du mouvement, le tourisme naissant, les premiers moyens de locomotion et la magie du cinéma muet.

Voilà bien une expédition enneigée qui fait rire… et transporte !

Ce spectacle se placera volontairement sous le signe de la fantaisie : en référence à Tati, ou à Cocteau, les objets prendront vie, parfois comme investis. On verra aussi une statue parler dans un jardin, et les haut-parleurs dans la gare donner des leçons de morale aux voyageurs. Quand ils seront amoureux, nos deux prétendants danseront sur le quai comme dans le magicien d’Oz. Il me tient à coeur aussi d’évoquer l’héritage considérable des burlesques américains et de Charlie Chaplin dans l’art du comique.

Il s’agissait de construire une mécanique du vivant, des gestes comme des métaphores, une chorégraphie signifiante, une sincérité, une vérité dans l’interprétation, car le divertissement ici se fonde sur une humanité profonde.

Comme « un entomologiste jovial » Labiche a toujours épinglé et disséqué le caractère du Bourgeois du 19ème siècle qui était à la fois son personnage de prédilection et son public. En demandant à Cédric Colas de jouer le rôle de Monsieur Perrichon, j’ai cherché à chasser l’évidence d’un personnage convenu, tout en rondeur physique, pour tenter de dégager de lui humanité et profondeur. Car il me semble que Perrichon n’est pas ridicule, il est dans l’aveuglement (c’en est presque poignant), il poursuit des quêtes, il a l’ambition de surpasser (maladroitement certes) les siens et d’échapper au quotidien et à l’ennui de son monde. Et puis, surtout, il éprouve de vrais sentiments. Il m’a paru intéressant de pousser la gratitude narcissique qu’éprouve Perrichon jusqu’à une passion qui ne s’avouera pas mais qui bouleverse… une passion née de son orgueil incommensurable et de l’amour qu’il nourrit pour lui-même.

Enfin, si d’un bout à l’autre de la pièce, la ribambelle sera soumise au mouvement, à la fuite en avant, à l’Acte IV, avant de repartir de plus belle, elle vivra un instant suspendu dans le jardin de la famille Perrichon. Comme un arrêt sur image.

Là, aura lieu l’illumination. Notre Perrichon, aveuglé, ignorant, imbu de lui-même et inconsciemment misanthrope, pendant tout ce long périple, naîtra à une autre réalité et posera un nouveau regard sur les hommes et le monde qui l’entourent. Et le voilà qui se repent et qui se rachète. L’homme égoïste et ingrat éprouvera enfin de la reconnaissance pour autrui.

Il y a, étroitement enchâssés, dans la pièce de Labiche, cette aventure d’un premier voyage touristique, glissant sur une ligne pleine d’esprit et d’humour, et un voyage intérieur plus profond, un mouvement de l’âme inattendu, plein de sagesse et de noblesse.

Et c’est grâce à l’épreuve du plateau, que le thème de la reconnaissance, de l’empathie, après, avoir affleuré timidement à de nombreux moments des premiers actes irradie enfin, dans les dernières répliques de la pièce.

Au salut c’est un homme nouveau qui quittera le plateau.

Frédérique Lazarini

 

Ce qu’ils en ont dit :

La Terrasse : «  Dans la grisaille ambiante, voilà que fait irruption la couleur ! Frédérique Lazarini et les siens redonnent vie à Labiche avec un talent fou, créant avec science autant qu’humour une partition drôlissime. En route pour les Alpes suisses !  »

Gilles Costaz :  » Tout cela est dans la mise en scène accélérée de Frédérique Lazarini qui projette la pièce vers l’avant et vers l’arrière pour nous faire goûter l’esprit bourgeois en toutes saisons. Perrichon est joué par Cédric Colas : c’est certainement le premier Perrichon sans bedaine qui nous est donné. Fini les rondeurs des vaudevilles d’antan et voilà, grâce à Cédric Colas, un nanti qui s’aveugle de ses vanités mais a de l’agilité et de vraies pensées qui lui montent à la tête (…) Pas de bedaine, ici. Mais une haute musculature de comédie. « 

Tatouvu :  » Encore une trouvaille de Frédérique Lazarini qui, dans cet esthétisme burlesque réussit, avec sa troupe, à donner un second souffle à l’œuvre. À l’instar de certains qui colorisent les films, elle redonne de la vie aux Classiques. On se souviendra longtemps des pommes qui sortent de l’écran, des descentes à skis, de certains tableaux très kitsch qui donnent du relief à l’ensemble – il faut dire aussi qu’on est dans les montagnes lol – et surtout des rires en rafale pendant les quatre-vingt-dix minutes de la représentation.« 

L’Oeil d’Olivier :  » Le divertissement, mené par une troupe brillante, trouve ici toute son intelligence pour nous faire passer une délicieuse soirée. Et c’est toujours bon à prendre ! «